Portraits de jeunes femmes actives dans des secteurs « masculins »

Ingénierie : « Un homme manager débutant n'en sait pas plus qu'une femme »

Clémence, 24 ans, diplômée du master Management Interculturel de l'ISIT (Institut Supérieur de Management et Communication Interculturels), est chargée d'affaires au sein d’une société de conseil en ingénierie et systèmes d'information.

« Je suis en poste depuis septembre 2012, après avoir effectué une année de césure et 6 mois de stage de fin d'études au sein de mon employeur actuel. La société qui m’emploie accompagne ses clients (des industriels qui fabriquent des produits, dans l'aéronautique, le spatial, l'automobile, le ferroviaire, les télécoms...) sur des problématiques techniques d'ordre mécanique, électronique, informatique, automatique, qualité & process, etc.

Je suis chargée de la prospection commerciale auprès des industriels, de la gestion d'un portefeuille clients et des réponses à appel d'offres. Je peux être amenée à faire du recrutement d’ingénieurs lorsque l'on ne dispose pas des compétences nécessaires en interne. Enfin, je manage une équipe de 19 ingénieurs et m’occupe de la gestion de leur carrière. Mon équipe est quasi masculine : 2 femmes pour 17 hommes. Ce n’est pas toujours facile, mais les membres de mes équipes savent que je suis à leur écoute et c'est un point qui compte beaucoup pour eux. De plus, certains me connaissent et savent que j'ai fait 18 mois de stage pour gagner ma place. J'ai donc déjà fait partiellement mes preuves. Le plus difficile au début, c’était la compréhension technique des activités. Et étrangement, les hommes sont beaucoup plus enclins à expliquer leur métier de façon calme et vulgarisée à une femme manager qu'à un homme. Leur communication est plus "en rondeur", comme si nous nous avions le droit de ne pas savoir ou de ne pas comprendre du premier coup. Pourtant, un homme manager avec une formation commerciale n'en sait pas plus qu'une femme lorsqu'il débute dans le métier. »

Son conseil pour être respectée dans son travail : « Il faut comprendre la place de chacun et savoir ou se situe la sienne pour l'occuper complètement sans déborder sur l'espace d'autrui. Il ne faut pas se marginaliser ou s'attribuer un statut de victime à la moindre difficulté : le fait d'être une femme ne doit pas être un prétexte pour se plaindre. Et même si l'on subit les préjugés au début, le fait de bien effectuer son travail prémunit de tous commentaires par la suite. Il faut également aimer le défi, être humble, ne pas hésiter à poser des questions ou à proposer des solutions, accueillir la critique avec un regard positif. »

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Aéronautique : « La relation est basée sur les compétences »

Camille, 26 ans, diplômée de l’Estaca, est ingénieure en intégration des systèmes nacelle pour l’A350. Elle travaille chez CT Ingénierie.

« J’ai obtenu mon diplôme d’ingénieur dans l’aéronautique, option Intégration du système propulsif et gestion d'énergie à bord en 2011. J’ai alors été embauchée chez CT Ingénierie, un sous-traitant d’Airbus. Je m’occupe de deux systèmes composants la nacelle d’un moteur (l'ensemble support et capots d'un moteur). Je suis l’interface entre les fournisseurs et le reste de l’avion. Je m’assure que les systèmes fournis s’intègrent bien au reste de l’avion, qu’ils sont qualifiés correctement et que les résultats des tests réalisés par les fournisseurs sont conformes à nos attentes et aux exigences de sécurité et de maintenance. Ainsi, je suis en contact permanent avec les fournisseurs, pour suivre le travail et les équipements au jour le jour.

Je suis intégrée dans une équipe mixte, les femmes sont quasiment aussi nombreuses que les hommes. En revanche, chez le fournisseur, je suis face à des équipes exclusivement masculines. Pour autant, il n’y a pas de différences de traitement. La relation de travail est basée uniquement sur les connaissances et les compétences. »

Son conseil pour s’épanouir : « Il ne faut pas appréhender le secteur aéronautique ni les métiers techniques à cause d’idées reçues. J’avais déjà réalisé un stage ouvrier dans une usine, et même si c’est toujours étonnant de voir des jeunes étudiantes au début, les ouvriers se sont rapidement adaptés. J’ai toujours voulu travaillé dans l’aéronautique et la branche « propulsion » est un domaine vaste dans lequel j’apprends énormément et je m’épanouis pleinement. »

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BTP : « Avoir un fort caractère »

Mathilde, 26 ans, diplômée des Mines d'Alès, option Génie civil, est directrice opérationnelle chez AD Concept (BTP).

« J’ai décroché un poste de directrice en décembre 2012 chez AD Concept, entreprise générale du bâtiment (démolition, gros œuvre, charpente/couverture, menuiseries extérieures, cloisons/doublages, carrelage, électricité, plomberie, peinture), après avoir travaillé en tant chargée d'affaire en contrôle technique dans une autre entreprise de 2010 à 2012. J’ai rencontré mon employeur actuel sur un chantier que je contrôlais. Il m'a proposé de le rejoindre. Proche de la retraite, il recherchait quelqu'un pour le succéder. J’ai donc saisi cette opportunité. Je manage, avec l'aide du gérant, une équipe de 7 ouvriers en CDI dans la société et une équipe de 5 ouvriers sous-traitants qui viennent renforcer nos équipes quand la masse de travail est très importante. Je ne suis pas favorisée ou chouchoutée en tant qu’unique femme. Il est souvent plus difficile de se faire entendre par les dirigeants et chefs. Je n’ai pas toujours la même vision du management, par exemple. Je dois donc prouver mes compétences au quotidien : suivi de chantier, devis, gestion, organisation, administratif. Mais les clients apprécient d'avoir une « interface féminine ». Et j’arrive à apaiser les tensions entre les collaborateurs, par exemple. Je pense que mon côté posé et organisé les rassurent. »

Son conseil pour évoluer dans un milieu masculin : « Pour réussir dans le métier et le secteur, il faut avoir de la motivation, l'ambition, l'organisation, un bon relationnel et un fort caractère. D’autant plus que je souhaite, à long terme, racheter la société. Le gérant devrait me laisser les commandes petit à petit. »

Recueillis par Rachida Soussi

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